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Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art
Serait-il possible, demande la Revue de Bourgogne, de reconstituer au XXe siècle une école de sculpture analogue à celle qui illustra la terre bourguignonne au début du XVe siècle ? Je réponds, sans hésiter : oui, évidemment. Il ne s’agit pas, en effet, de susciter, par un effort artificiel, des hommes de talent ou de génie. La Bourgogne fournit en abondance une magnifique pierre blanche et elle fait naître aussi des hommes capables de l’animer. Nous avons, dernièrement, rappelé le génie généreux de Bouchard. Dampt, Gasq, Max Blondat, Piron sont des artistes de haute valeur et Yencesse, un médailleur de premier ordre. Il y a entre ces esprits, tous indépendants, des affinités certaines. Ils constitueraient une École, le jour où de grands travaux les rappelleraient de Paris, en Bourgogne et les obligeraient à y former une armée d’auxiliaires et d’élèves.
Si l’École de Bourgogne fut glorieuse au XVe siècle, ce n’est pas parce qu’il y avait alors des artistes bourguignons de génie. Les artistes accoururent de Flandre, comme Claus Sluter, d’Espagne comme Jean de la Huerta, parce que les ducs de Bourgogne, comtes de Flandre, étaient puissants, riches et fastueux et qu’ils n’épargnaient rien pour les arts.
Que Dijon redevienne une grande capitale régionale, qu’elle soit le centre d’une région prospère et sa vitalité accrue se complétera naturellement par l’éclat artistique. Ses fils réaliseront, sans doute, un vœu secrètement formé depuis longtemps, lorsqu’ils seront conviés à embellir le sol natal. La question de décentralisation artistique se lie, d’une façon intime, à la question de décentralisation administrative et économique. Il serait vain d’examiner un des aspects du problème sans aborder les autres.
Qu’on me permette d’ajouter un mot. La Revue de Bourgogne ne paraît se préoccuper que des créateurs de statues ou de bas-reliefs. D’autres sculpteurs ont encore honoré la Bourgogne. Ces sont les tailleurs de pierre qui ont couvert de sculptures décoratives d’un style exubérant et puissant l’hôtel des Ambassadeurs, l’hôtel de Vogüé et tant d’autres curieux édifices ; ce sont aussi les huchiers qui, autour d’Hugues Sambin, ont créé ces meubles de chêne et de noyer, merveilles d’un art étonnamment sain et riche. Pourquoi la Revue de Bourgogne n’étend-elle pas sa sollicitude à ces industries d’art qu’il serait possible de faire revivre et vers lesquelles on pourrait aiguiller utilement la jeunesse, sans risquer de provoquer de faux espoirs, suivis d’amères désillusions ? C’est par l’éveil des industries d’art que renaîtra le régionalisme. Le génie surgira, ensuite, naturellement, de la foule des artisans habiles, comme une fleur plus belle au milieu d’une prairie abondamment arrosée.