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Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art
Tout le monde s’accorde pour se plaindre de l’encombrement progressif des Salons. Salons des Indépendants, des Artistes Décorateurs, des Artistes Français, de la Société Nationale [des beaux-arts], Salon d’Automne nous submergent par leur succession rapide et par le nombre des œuvres présentées. Les arbres empêchent de voir la forêt et il devient très difficile d’analyser l’évolution de l’art même.
D’ailleurs, dans toutes ces Expositions, les étrangers ont une place de plus en plus large. Nous ne nous en plaignons pas et ne demandons pas qu’on restreigne une hospitalité où se marque le prestige de la France. Mais, confondus avec nous, ils achèvent de rendre impossible toute vue claire d’ensemble. Or, quelques amateurs se souviennent, sans doute, de l’intérêt qu’offrait, en 1900, la juxtaposition d’expositions nationales nettement individualisées. On revoyait avec plaisir des artistes étrangers, familiers de nos Salons, dans le cadre naturel que leur offraient leurs compatriotes. Les directions, les efforts, les lacunes de notre art national se comprenaient mieux, présentés sans alliage. De semblables manifestations ont lieu, périodiquement, à Venise, à Munich, etc. ; elles ont toujours un retentissement légitime et sont, pour les cités qui les organisent, des sources de notoriété et de profit.
M. Armand Dayot, inspecteur général des Beaux-Arts, a pensé qu’il serait intéressant de faire, en France, un effort semblable. Sans porter atteinte à aucune de nos expositions actuelles qui, toutes, grandes ou petites, répondent à des intérêts et entretiennent des émulations légitimes, mais en dehors, au-dessus ou, si l’on veut, simplement, à côté de ces mêlées surabondantes et confuses, une manifestation internationale réunirait, tous les quatre ans, par exemple, les meilleurs artistes français avec qui les nations seraient invitées à se mesurer. De telles expositions constitueraient, pour Paris, une attraction nouvelle et seraient un stimulant évident pour nos artistes.
Il s’entend que la réalisation présenterait des problèmes délicats. La lutte internationale devrait s’effectuer selon les règles équitables. Il faudrait éviter toute déviation tapageuse, garder à la manifestation un caractère d’art pur. Avant tout, et ce serait le point le plus difficile à établir, aucune coterie, fût-elle formée par l’Institut, ne pourrait être admise à accaparer à son profit l’exposition. Le scandale de 1900 ne devrait pas se reproduire, où les Impressionnistes, écartés de la Décennale auraient été totalement évincés si Roger Marx ne leur avait ouvert la Centennale. Toutes les tendances auraient leur place et se défendraient par leurs meilleurs représentants. Si le projet de M. Dayot peut se réaliser selon cette économie, nous le soutiendrons de tous nos vœux, prêts à combattre toute tentative de mainmise, toute éviction injuste, tout parti pris qui diminuerait la France dans le tournoi pacifique entre les nations.