code_galerie Chroniques de l"Humanité, Site Léon Rosenthal

 

 

Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

Espoirs et réalisations, L’Humanité, « L’Actualité artistique », 20 janvier 1914, p. 4.

Je reçois une circulaire d’une société qui s’est constituée pour maintenir les traditions de la gravure sur bois. Je vois que la société a conçu le projet de faire des albums de gravure qui pourraient être répandus à bon marché et à très nombreux exemplaires, qu’elle a aussi pensé à renouveler l’illustration des livres de prix pour les écoles. J’applaudis à ce projet et je me dis qu’en effet la gravure sur bois véritable, pratiquée selon les grandes traditions, très simple, très large, avec de vigoureuses oppositions de lumières et d’ombres, est véritablement un art populaire digne de retrouver sa faveur d’autrefois.

Je tourne la page du prospectus et je m’aperçois que ces résolutions ont abouti au lancement d’un album tiré à 60 exemplaires dont les uns seront vendus mille francs, les autres cinq cents et les derniers trois cents francs. J’invite donc les amateurs millionnaires, s’il s’en trouve parmi mes lecteurs, à souscrire aux Cartons d’estampes gravées sur bois. Ils auront, d’après des artistes de premier ordre, Carrière, Besnard, Rodin, Aman-Jean, etc., des gravures certainement remarquables. Mais je déplore que la pensée de ces maîtres n’ait pu être communiquée à la foule.

Pourquoi les graveurs ont-ils renoncé au généreux dessein qu’ils avaient formé tout d’abord ? Je ne crois pas qu’ils l’aient fait de gaîté de cœur. Ils n’auraient eu, personnellement, que profit matériel et moral à la diffusion de leurs travaux. Sans doute, ils n’auront pas trouvé d’éditeur, et c’est, probablement, le procès de nos maisons d’édition, de notre goût public, de notre état social, qu’il faudrait, une fois de plus, instruire à ce propos.