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Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art
La manufacture de Sèvres est-elle menacée de disparaître ? M. Couyba semble le craindre, dans le rapport sur le budget des Beaux-Arts qu’il vient de déposer au Sénat, et il cite l’opinion de l’administrateur de Sèvres qui réclame des ressources à grands cris. « C’est, dit M. Bourgeois, une question de vie ou de mort pour nous. Si on ne parvient pas à faire subsister la manufacture par elle-même, puisque l’État ne peut pas en supporter la charge, dans dix ans, elle n’existera plus ! Il m’est impossible de continuer le recrutement d’ouvriers d’art, qui n’acquièrent leur maîtrise que patiemment, longuement, pour atteindre à un salaire journalier de 9 francs, dans une ville où le moindre terrassier en gagne 11 ou 12 ! Et qu’on ne vienne pas prétendre que la fabrication pour la vente intensive nous forcera à diminuer la qualité de nos produits ! C’est bien plutôt le contraire qui arrive, puisque je ne peux pas payer un salaire suffisant la main-d’œuvre de choix indispensable à ces produits… »
Nous ne pouvons que nous associer à ce langage. Il faut que la manufacture de Sèvres entre franchement dans la voie commerciale. L’exemple de la manufacture royale de Copenhague montre que le souci de l’art n’est pas compromis par le succès matériel et j’avoue que je ne comprends pas bien une institution qui, dans un pays démocratique, restreint sa production, la maintient à des prix inaccessibles et ne contribue en rien à la diffusion du goût sans servir pour cela davantage les intérêts supérieurs de l’art pur.