code_galerie Chroniques de l"Humanité, Site Léon Rosenthal

 

 

Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

L’aménagement et l’amélioration des villages, L’Humanité, « L’Actualité artistique », 16 mai 1916, p. 3.

Il y aura bientôt un an, la Chambre, le 1er juin 1915, votait la loi Cornudet, sur l’aménagement et l’extension des villes et villages. La discussion, qui avait occupé deux séances, avait été brillante ; nos amis y avaient pris une part prépondérante et nous nous sommes réjouis, alors, de voir résolu par voie législative un des plus graves problèmes de l’après-guerre.

Le Sénat, à notre grand regret, sinon à notre grande surprise, n’a pas montré d’empressement à ratifier le travail de la Chambre. Il n’a pas encore abordé la discussion de la loi Cornudet ; on ne sait quand il se décidera à le faire et, peut-être, si nous n’y prenions garde, nous mettrait-il dans le cas, si longue qu’ait été la guerre, d’être surpris par la paix. Pour le tirer de son inertie et secouer sa torpeur, il faut un mouvement d’opinion publique. Cette opinion impérative commence à se manifester.

Sans doute, au début, le public a paru assez indifférent à des questions dont il ne comprenait pas la portée ; la presse, dans son ensemble, n’a pas fait grand effort pour l’instruire ; les architectes eux-mêmes, surpris, pour la plupart, par des préoccupations qui leur étaient restées étrangères, ont été hésitants, se sont surtout inquiétés des difficultés, ont parfois, je m’en suis plains ici, effrayé et découragé ceux qui les acceptaient comme guides.

Mais les gens de bonne volonté qui depuis longtemps étaient conquis à la cause de l’urbanisme, c’est-à-dire de l’organisation rationnelle des cités, ceux que le sentiment des réalités présentes et pressantes avaient instruits, ne sont pas restés inactifs. Les architectes urbanistes ont publié leur livre ; des études et des rapports ont été faits dans les sociétés d’architectes. Enfin, l’Association générale des hygiénistes et techniciens municipaux de France et des pays de langue française, avec le concours du Musée Social, qui a été l’initiateur, en France, de l’urbanisme, avec l’appui aussi d’une pléiade d’architectes et de sociologues, vient de porter la question devant le public.

L’exposition de la Cité reconstituée, installée sur la terrasse des Tuileries et dont l’ouverture est prochaine, montrera ce qui a été déjà fait, ce qu’il est possible de faire, par conséquent ce qu’il est nécessaire d’accomplir. Complétée par des conférences et par des congrès, son action sera certainement efficace.

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Au moment où l’exposition va s’ouvrir, le comité du premier groupe, désireux d’intéresser le plus grand nombre d’architectes à sa cause qu’il veut propager, organise entre Français et Belges un concours de projets d’aménagement et d’amélioration des agglomérations rurales. Ce concours est double : d’une part, il admet tout projet concernant une commune française ou belge, de façon à grouper les architectes qui ont déjà, dans leurs cartons des études intéressantes, ainsi que ceux qui seraient séduits par l’idée d’améliorer un village auquel ils portent une affection particulière. D’autre part, un concours spécial est institué pour l’aménagement de trois villages déterminés, pris comme types et choisis dans les régions envahies. Les concurrents seront munis des plans actuels de ces villages et de notices où sont résumés les renseignements essentiels dont il leur est nécessaire de tenir compte. Par une disposition heureuse et neuve, on ne leur demande pas seulement de dresser des plans, des élévations, des coupes ou des perspectives, on les prie de rédiger un petit mémoire dans lequel ils exposeront les principes dont ils seront inspirés.

Le concours prend ainsi sa vraie signification : il est destiné, avant tout, à remuer et à provoquer des idées. Le programme, qui est fort bien fait, souligne, d’ailleurs, toute la complexité du problème. Il rappelle qu’un plan d’ensemble de village suppose la connaissance des conditions géographiques, géologiques, climatériques, facteurs de la végétation, de l’exploitation du sol et du sous-sol, la connaissance du régime économique régional et local, des notions démographiques : dénombrement, classification, évolution, répartition des populations – enfin, le respect du caractère régional et des beautés naturelles du pays.

Un délai de deux mois est donné aux concurrents. On espère qu’ils pourront, dans un temps si bref, faire œuvre sérieuse. S’ils y réussissent, ils auront, par leur empressement, rendu un service signalé à la cause de l’urbanisme. Le principal grief que l’on ait opposé à la loi Cornudet était, l’on s’en souvient, le retard indéfini que son application opposerait à la reprise de la vie normale. S’il est possible de faire un plan étudié en deux mois, l’argument tombe, car l’opinion n’admettra pas que six années soient nécessaires pour les formalités administratives, comme l’alléguait certain mémoire malencontreux. Les formalités administratives réduites à une durée raisonnable, les plans, j’en suis persuadé, pourront partout être dressés, non seulement sans contrarier le rétablissement de l’activité mais avant même que cette activité, entravée par bien d’autres obstacles, rareté de la main-d’œuvre, des matériaux, difficultés de la circulation, ait pu être restaurée

En post-scriptum : « Les œuvres d’artistes belges réunies à la Galerie Georges Petit, rue de Sèze, confirment et complètent la haute idée que la salle belge du musée du Luxembourg donne de l’art de ce petit peuple si grand à tant d’égards. Un sentiment profondément humain pénètre et vivifie les œuvres d’un Laermansd’un Baertsoen, d’un Léo Frédéric. Clauscélèbre la beauté de la nature, Van Rysselbergbe voit, partout, éclat et splendeur. À côté des peintres, la sculpture montre une semblable vitalité et une pareille puissance. Le Grisou, de  Constantin Meunier a une grandeur tragique à laquelle ajoutent encore les circonstances présentes. La Victoire, de Victor Rousseau, devance et symbolise nos espoirs ».

« L’exposition des Humoristes, à la Galerie la Boétie, 64 bis, rue de la Boétie, est tout imprégnée de la guerre. Les Humoristes n’empruntent pas seulement à la guerre des sujets, ils lui doivent un regain de simplicité, de franchise dans l’esprit et dans le dessin. Les images alambiquées auxquelles on se complaisait naguère ont presque totalement disparu. La satire est parfois âpre, quelquefois la caricature fait place à de l’observation toute simple et ce ne sont pas les plus négligeables inspirations. Auprès d’un admirable dessin de Forain : Le Retour, des maîtres du crayon – Hermann-Paul, Steinlen, Léandre, Neumont, Morin, Willette –, j’ai noté des croquis du nom de Jean Lefort, d’Auglay, des bibelots et des poupées fort amusantes ».

« Une exposition des artistes au front, chez Devambez, 43, boulevard Malesherbes, réunit des notations souvent heureuses ; à côté de croquis justes et frappants de Grebel, de Roblin, ceux de G. Pierre se distinguent par l’ampleur et la sérénité de la vision ».

« On annonce une exposition de modèles de jouets artistiques, et de toiles, cartes et papiers de garde pour la reliure au musée des Arts décoratifs, au pavillon de Marsan – une exposition Willette chez Devambez ».