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Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art
L’Art français moderne, dans son premier bulletin, avait publié une étude hardie et sagace où M. Koechlin défendait nos artistes novateurs, contre le reproche d’imiter l’art munichois. Le second bulletin prend une allure moins combative : il est consacré à un article de M. Edmond Pottier, sur « les jouets de France ». Le sujet, les lecteurs de l’Humanité le savent bien, est loin d’être frivole. Il réunit de multiples intérêts et moraux et matériels, il est au plus degré d’actualité. Tous ces aspects sont étudiés par M. Pottier avec beaucoup de pénétration et une exquise finesse.
Nous nous étions laissé envahir, avant la guerre, par des jouets étrangers. M. Pottier montre les efforts récemment accomplis, pour nous affranchir. Ces efforts ont été couronnés d’un rapide succès et les deux expositions organisées au Pavillon de Marsan ont mis en lumière chez nos artistes, les qualités d’ingéniosité, d’art et aussi d’intelligence de l’âme enfantine qui sont requises pour créer l’objet qui séduit les petits et les grands. Parmi les jouets, il en est qui sont de véritables bibelots, destinés moins à l’enfance, qu’aux curieux et collectionneurs et qui, au lieu d’être caressés, déchirés et brisés, connaissent l’abri tutélaire et froid des vitrines. Pour l’enfance même, il y a le jouet de luxe, brillant et coûteux, et l’humble joujou qui va porter la joie dans les milieux les plus modestes. Toutes ces catégories ont leur intérêt ; les sympathies de M. Pottier, comme les nôtres, vont, tout de même, surtout, au jouet à bon marché. Aussi insiste-t-il sur l’entreprise du « jouet d’Auvergne », louable à plus d’un titre puisqu’elle livre aux petits des jouets d’un prix minime et d’une vraie valeur artistique et procure, pendant les mois d’hiver, des ressources précieuses aux paysans qui fabriquent ces jouets. Très joliment illustré, le bulletin de l’Art français moderne reproduit plusieurs de ces lapins, cochons, vaches, pigeons, petits bonshommes dignes d’amuser tous les bambins. On y voit aussi quelques-unes des créations de l’atelier des mutilés de la guerre dont le succès est, de toute façon, si mérité.
En réagissant contre l’emprise allemande, nous ne songeons pas uniquement à nous libérer nous-mêmes. Nous désirons porter, dans les pays où notre nom est sympathique, le jouet français où se reflète notre génie national avec ses qualités et avec ses défauts, esprit, élégance, ingéniosité, pratique et aussi « une certaine outrance, un luxe un peu fringant, une tendance à la caricature et à la satire ». Nous croyons concourir, ainsi, à la fois au progrès de notre commerce et de notre industrie, car la vente des jouets, se chiffre par millions, et à conquérir des amitiés nouvelles, car ceux qui auront, enfants, aimé des jouets de France auront contracté, pour nous, une inclination durable. Mais, nous n’avons l’intention ni de supplanter, à l’étranger, toute production en dehors de la nôtre, ni même, d’interdire aux petits Français l’usage de jouets venus d’autres pays.
Sur ces points, M. Pottier s’explique avec une liberté d’esprit et une délicatesse de sentiment remarquables. « La France, dit-il, n’a nulle prétention d’absorber, à son profit le commerce du jouet, comme l’avait fait l’Allemagne, qui ne conçoit pas un effort de ses nationaux sans la destruction des autres producteurs. Le jouet est essentiellement une création nationale, une expression particulière du goût et du caractère de chaque pays. Nous sommes heureux qu’il y ait des jouets russes, anglais, japonais, norvégiens, italiens, suisses… » et il écrit encore : « Toute idée de protectionnisme serait ici funeste. Nos enfants eux-mêmes savent s’attacher à des jouets qui ne sont pas nés en France, et bien des petites filles ont leur poupée hollandaise, leur bébé japonais qu’elles choient comme les autres ; le pêcheur napolitain, l’ours et le chalet suisses, la baba russe en bois vernis sont partout populaires. C’est une excellente façon de comprendre l’internationalisme et elle prépare l’esprit de l’enfant à sympathiser avec les nations étrangères dont il apprend l’histoire ; les physionomies et les costumes de ces petits hôtes venus de loin le renseignent sur la diversité des races, qui, pourtant, restent unies dans le monde par les liens d’une amitié réciproque, et ces morceaux de bois enchiffonnés portent en eux quelque chose de la solidarité humaine ».
L’article de M. Pottier est destiné à être traduit en anglais et en espagnol, répandu à l’étranger et surtout dans les deux Amériques. Mrs Edith Wharton, dont on connaît le grand talent et les sentiments de sympathie pour la France, a tenu à recommander notre effort à ses compatriotes : «L’Amérique, proclame-t-elle, doit accueillir à bras ouverts cette nouvelle “armée d’enfants”, cette Croisade qui vient conquérir les “nurseries” de l’Ouest restées si longtemps aux mains des infidèles » ; et le bulletin reproduit aussi l’éloquent appel que M. Gouverneur Morris adressait, le 8 novembre 1915, dans le New-York Times aux petits Américains et où il parlait de notre pays avec une chaleur et un enthousiasme dont, plus que jamais, à l’heure présente, nous sommes profondément touchés.
En post-scriptum : « Le bulletin de l’Art français moderne paraîtra désormais quatre fois par an. S’adresser pour tous renseignements à M. Quénioux, 109, rue de Vaugirard ».
« M. de Waroquier s’était, pendant plusieurs années, inspiré, dans ses recherches, des maîtres japonais. Il s’était fait une manière très intéressante et qui avait attiré, sur lui, l’attention. Il vient de faire un effort considérable pour se renouveler. On verra, à la galerie Lévêque, rue du Faubourg-Saint-Honoré, ses dernières œuvres dont j’avoue, pour ma part, ne pas saisir les intentions complexes et où j’ai peur que l’esprit systématique se substitue à l’expression du tempérament ».
« Chez Devambez, 43, boulevard Malesherbes, de curieuses aquarelles mystiques, dans lesquelles M. Mossa, par une méthode que l’on peut critiquer mais qui est plastique, et qui s’autorise de Carlos Schwabe ou des dessinateurs anglais, essaye de traduire des “songeries de la guerre” »