code_galerie Chroniques de l"Humanité, Site Léon Rosenthal

 

 

Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

L’École supérieure d’Art public, L’Humanité, « Notes d’art », 25 mars 1917, p. 4.

Le 28 février 1916 – mes lecteurs ne me reprocheront pas de les avoir tardivement informés –, j’annonçais l’ouverture prochaine d’une École d’Art public. Après un an de tâtonnements, d’efforts, d’élaboration sérieuse, l’espoir devient enfin une réalité. La séance inaugurale de l’École supérieure d’Art public a eu lieu, mercredi dernier, dans la grande salle de l’Institut d’histoire, de géographie et d’économie urbaine de la Ville de Paris, rue Sévigné, 29, où se donnera le nouvel enseignement.

L’École supérieure d’Art public est destinée à seconder l’œuvre de réparation nationale qui suivra la libération de nos territoires envahis et à préparer la réorganisation rationnelle de toutes les communes françaises. Elle s’inspire d’abord des circonstances et veut que le Nord et l’Est de la France, en compensation de leurs épreuves, se reconstituent sous des formes meilleures et plus belles. Elle poursuit, en même temps, une œuvre générale et entend que partout, dans les villages comme dans les villes, s’étende cet esprit de méthode, d’énergie, de prévoyance, dont les événements nous ont marqué la nécessité. L’urbanisme est, par bien des points, une science d’origine française. L’esprit de clarté, le besoin d’ordre, qui sont dans notre génie, la vivacité et la souplesse de nos sentiments nous prédisposent à ce travail délicat, complexe entre tous, d’organiser les villes et l’essor de la démocratie, la diffusion des idées socialistes, nous rendent infiniment désirable l’accomplissement d’une œuvre dont le prolétariat d’abord est appelé à bénéficier.

Que nous ayons montré, naguère, de la négligence, que l’urbanisme soit resté la préoccupation d’un petit noyau d’hommes de bonne volonté que l’on ne s’attardait pas à écouter que les campagnes menées par le Musée Social, que les succès remportés dans les concours internationaux par nos architectes, par les Jaussely, les Agache, les Prost, les Auburtin… n’aient pas eu plus d’écho, c’est sur quoi il est désormais inutile d’épiloguer. Nous donnons à présent un vigoureux coup de barre. Demain, l’urbanisme sera, chez nous, partout populaire. N’ai-je pas entendu dire que l’École des Beaux-Arts s’apprêtait à lui faire place dans son enseignement ?

L’École supérieure d’Art public doit sa naissance, avant tout, à l’énergie inlassable d’un architecte belge, M. Patris, qui, tout en préparant les plans de restauration de Dixmude, s’est depuis dix-huit mois, attaché à solliciter les concours de tous ceux qui pouvaient y collaborer. Et l’École, au moment où elle s’ouvre, peut non seulement s’honorer des patronages officiels les plus élevés, s’appuyer sur un comité directeur, que préside avec autorité M. Georges Risler, elle réunit les techniciens en tout ordre, architectes, ingénieurs, hygiénistes, économistes, que leurs travaux antérieurs désignaient le mieux pour cet enseignement. Belges et Français viendront y professer fraternellement. Une des premières conférences sera donnée par l’un des ministres de Belgique, M. Georges Helleputte.

L’École d’Art public ouvre largement ses portes. Elle s’adresse aux techniciens qui auront à participer, dans leur carrière, aux travaux d’ordre général ; conseillers municipaux et généraux viendront y chercher des solutions pour les difficultés que la réalité leur propose tous les jours. Ai-je besoin de dire enfin que tous ceux qu’obsède la poursuite d’un haut idéal social, tous ceux qui, militants du Parti socialiste ou des syndicats, sont avides de progrès et désireux de réalisations, trouveront, dans l’école nouvelle, des aliments pour leur pensée et pour leur action ? Quant aux artistes, ils devinent que des hommes qui se sont attachés résolument à l’œuvre du jour, sont des esprits affranchis et ils savent que c’est selon une volonté de raison et de liberté que professeront MM. Louis Bonnier, Plumet, Dervaux ou Vorin, pour ne citer que quelques noms. Et c’est pourquoi j’appelle votre sympathie sur l’école nouvelle.