Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

Eugène Delacroix (1798-1863)

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Il faut reconnaître que Delacroix, comme Michel-Ange, comme Puvis de Chavannes, a accompli une œuvre prométhéenne : il a reconstitué une humanité et lui a imposé des lois internes aussi impérieuses en leur genre que celles de la nature. Regardez ce soldat qui, d’un effort violent, s’élève sur le terre-plein du pont de Taillebourg, voyez cette Juive qui danse dans la Noce eu Maroc, examinez la femme qui secourt Saint Sébastien, étudiez Hamlet, et vous acquerrez la conviction que tous ces individus, s’ils ne se ressemblent pas, ont entre eux, non seulement dans leur type, mais dans leurs allures, une conformité étroite et que leurs mouvements sont réglés par une logique qui, pour nous échapper, n’en est pas moins certaine. […] La physionomie des héros de Delacroix échappe à nos définitions de la beauté comme de la laideur. […] Delacroix se préoccupe beaucoup moins de leurs traits que de l’expression de leurs visages, et cette expression reste subordonnée elle-même à l’intention générale de l’œuvre.

Léon Rosenthal, Du romantisme au réalisme. Essai sur l’évolution de la peinture en France de 1830 à 1848, Paris, H. Laurens, 1914, p. 125-126.