Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

Eugène Gaillard (1862-1933)

1

C'est par une science délicate des proportions et des équilibres, par une connaissance intime des exigences du bois, par le souci d'une adaptation rationnelle, que triomphe le vrai créateur d'un meuble moderne. Qu'on l'appelle, si l'on veut, par dérision, un « moulurier », il a le droit de dédaigner ce sarcasme parce que le savoir dont il s'arme lui permet d'exprimer avec sûreté les inspirations de son goût. M. Eugène Gaillard, qui jamais n'a dévié de la voie qu'il s'était tracée mérite d'être donné doublement en exemple et par la persévérance et par l'autorité de son art. Les meubles qu'il expose accusent la précision, la sobriété de cette pensée nerveuse qui, maîtresse de la matière, conquiert l'originalité sans effort, sans exagération et est, pleinement, française et classique. L'admirable bibliothèque, l'armoire puissante et noble, le beau meuble de salon, les meubles d'angle, le guéridon-gigogne, miracle d'ingéniosité, tout mérite d'être analysé et examiné par le détail, car rien n'est improvisé, ni livré au hasard.

Léon Rosenthal, « L'Art social d'après deux expositions », L'Humanité, « L'Actualité artistique », 25 février 1913, p. 4.