Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

René Lalique (1860-1945)

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Lalique, même quand il crée des vases de pur ornement, les réalise en obéissant à des règles qui permettent d’en abaisser le prix de revient : la partie la plus typique de son œuvre est une verrerie d’usage et il s’est ingénié, avec un rare bonheur, à étendre le domaine des applications du verre. […] Pour les vases d’agrément, la forme que dicte le seul sentiment reste toujours très simple. Elle se rapproche d’un gobelet, Lalique affectionne, surtout pour les grandes pièces, des sphéroïdes ; il les manie avec un bonheur rare : amples sans lourdeur. Le décor […] ne vise qu’à plaire. Lalique en emprunte les éléments à la nature ; il s’attache à maintenir la vie, interprète avec une discrétion extrême, avide de mouvement et de fraîcheur, s’inspirant tour à tour des insectes, des serpents, des poissons ou des plantes, avec une prédilection pour les oiseaux et les fleurs. Il fait intervenir volontiers le corps humain, surtout le corps féminin ; il lui demande la souplesse et la grâce, satisfait d’ailleurs des interprétations traditionnelles, adoptant un type de beauté académique qu’il sauve de la banalité par la façon dont il en joue. C’est par des flacons de parfumerie que le nom de Lalique verrier atteignit le public. On fut séduit et ravi aussi de voir introduit l’art dans un domaine qui semblait réservé à l’industrie. Ces petits chefs-d’œuvre ont déterminé, dans le flaconnage, une véritable révolution.

Léon Rosenthal, La Verrerie française depuis cinquante ans, Paris et Bruxelles, G. Vanoest, coll. « Architecture et arts décoratifs », 1927, p. 25-27.