Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art
Il n’a pas compris la peinture comme un divertissement, il l’a voulue incorporée à la vie. Il lui a restitué sa destination primordiale, qui est de revêtir les murailles. Il a voulu travailler pour ses contemporains, et il a compris qu’une salle d’hôtel, le siège d’un syndicat, un théâtre étaient dignes d’occuper un peintre. Il aurait, si celles-ci n’étaient encore à naître, décoré des maisons de vie sociale, des salles de fêtes populaires : Breton, il a appliqué son effort à la Bretagne ; il s’est attaché à rendre ce qu’il aimait le plus, ce qu’il sentait le mieux. Il a ainsi réuni trois amours qui ne s’excluent pas dans un cerveau libre, l’amour de l’humanité, l’amour de la patrie et celui de la petite patrie ; il a été régionaliste. Pour animer d’immenses surfaces, il n’a fait appel à aucune convention technique, et il a fait éclater la couleur et la lumière en éclatantes fanfares, et il n’a pas cru nécessaire, non plus, d’appeler à son secours, l’histoire, la fable ou l’allégorie : il a transporté la vie sur les murailles parce qu’il a su que rien n’était plus grand que le réel à qui sait en percevoir le sens profond.
Léon Rosenthal, « Julien Lemordant », L’Humanité, « Notes d’art », 29 avril 1917, p. 5.