Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art
…l'ingéniosité d'art et de technique des verres émaillés de M. Marinot […]. Tout le monde sera sensible à la belle venue de leurs formes et de leurs décors ; ceux qui connaissent le métier du verrier admireront l'habileté des procédés et, en particulier, le parti tiré du verre « malfin », c'est-à-dire plein de bulles d'air, verre que l'on jette d'ordinaire au rebut.
Il était, on peut l'affirmer, nécessaire qu'il répudiât, un jour, tout décor, si profondément incorporé fût-il à la matière, pour en arriver à ne célébrer que la richesse inépuisée de la matière même. Et le voilà qui reprend, avec son goût propre, avec ses tours de mains familiers, les joies du verre doublé, les projections de poudres métalliques, les salissures par les oxydes ; il renonce à la transparence, à la translucidité même pour faire vibrer dans la masse des couleurs chaudes ou sourdes. La forme, dépouillée, exempte de tout accident, est ramenée à des masses unies, stables, comme si elle redoutait d'attirer et de partager l'attention […]. Tout s'efface devant la beauté interne du verre. A la différence de ses devanciers, Marinot n'aspire à imiter aucune pierre connue. Il a créé son élément qui s'apparente aux visées épiques de Rousseau et renonce au lyrisme de Gallé. Les bulles d'air, d'un rythme allègre, poursuivent dans la pénombre leur ascension illusoire. Sous une couche incolore, une sorte d'enveloppe d'argent craquelée, fissurée, comme éclatée de toute part, laisse apparaître un réseau sanglant ou céruléen. Art singulier qu'anime une force étrange, digne d'une époque qui, fatiguée de trop de virtuosité apparente, se penche vers les primitifs pour se complaire à leurs intentions synthétiques et rafraîchir, auprès d'eux, sa sensibilité.