Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

Frank Scheidecker

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Le nom de Frank Scheidecker est familier à tous ceux qui suivent le mouvement de l’art appliqué. Chacun a admiré les objets de cuivre ou d’argent ajouré qu’il signait de son monogramme et où se marquaient une imagination délicate une intelligence technique parfaite et un souci constant d’utilisation pratique. […] Comment Scheidecker fut-il conduit à la technique à laquelle il a dû sa notoriété ? […] Technique par elle-même très simple et qui ne comporte ni tour de main ni secret. L’artiste dessine sa composition sur papier. Ce papier est appliqué sur une plaque de cuivre qui est ajourée, suivant les indications du dessin, à l’aide d’une scie électrique ou d’une scie à mains. C’est exactement de cette façon qu’on découpe le bois et, comme dans le bois découpé, l’effet est produit uniquement par le jeu des vides et des pleins, en silhouettes, sans aucun moyen complémentaire, ni ciselure, ni émail, ni modelé en relief. La plaque ajourée, une fois retouchée à la lime et polie, peut rester plane, ainsi dans un pare-étincelles, ou être ondulée, ainsi dans un abat-jour. Elle peut rester indépendante, ainsi dans un écran, être appliquée sur du bois, ainsi dans une entrée de serrure, être protégée par une glace, ainsi dans un plateau. Pour un vase ou une tasse, elle peut être brasée sur une plaque: pleine et, dans ce cas, on peut faire jouer du cuivre rouge sur du cuivre jaune ou appliquer ton sur ton. Quand, dans un objet précieux, l’argent se substitue au cuivre, la technique reste la même. D’un procédé si simple et si limité, en apparence, dans ses ressources, on pourra s’étonner que Scheidecker ait tiré un parti si personnel et de si multiples applications.

Léon Rosenthal, « Les arts du métal,Frank Scheidecker », L’Humanité, « L’Actualité artistique », 2 octobre 1915, p.  3.