Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art

Tony Selmersheim (1871-1971)

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À l’heure présente, M. Selmersheim achève, à l’Hôtel de Ville [de Paris], l’installation définitive de son œuvre. […] Il s’agissait de constituer un cabinet de travail et, par conséquent, il convenait de créer une ambiance d’un caractère intime et austère, mais, en même temps, ce cabinet était celui d’un personnage officiel exerçant une fonction très importante, chargé, sinon d’administrer, au moins de représenter Paris et il fallait donc marquer sa dignité par une atmosphère de grandeur et de richesse. L’artiste est parvenu, avec beaucoup d’ingéniosité, à réaliser ce double caractère. Il a demandé au bois la note dominante de son œuvre. Deux boiseries couvrent les murailles jusqu’aux deux tiers environ de leur hauteur. Plus haut, des pilastres continuent leur ascension et vont, par des amortissements souples, soutenir une corniche ample et simple qui encadre le plafond. Ces boiseries sont formées par un acajou ciré aux veines magnifiques encadré par des bordures d’ébène de Macassar, dont les tons sourds sont très nuancés. Les mêmes bois ont formé les portes, et c’est eux qui ont servi à constituer les meubles, bibliothèques, consoles, bureau et sièges. Sur cette harmonie profonde chantent des notes fauves et chaudes : ciselures de cuivre doré, marbres précieux et tentures de soie brochée d’or et d’argent. Les ciselures décoratives modelées par Léon Binet et ciselées par V. Léonard sont des variations sur un thème floral unique : l’églantine, et le même motif se retrouve dans l’encadrement des vitraux qui garnissent les fenêtres et qui ont été exécutés par Socard. Ces ciselures sont très discrètes, mais très étudiées, réparties avec une grande justesse : j’aime en particulier les volutes qui flanquent les amortissements des pilastres et dont l’effet est d’une remarquable légèreté. Les plaques de cuivre ciselé qui sont encastrées dans les panneaux des bibliothèques ou appliquées aux parois de la console et du bureau concourent à la même vibration. Elles ont été modelées par le sculpteur Marque, dont l’imagination fraîche s’est prodiguée en juvéniles figures allégoriques. Une cheminée monumentale occupe le milieu d’un panneau : somptueuse de matières, très sobre de formes. Deux pilastres de marbre aux chapiteaux de cuivre ciselé l’encadrent. Le foyer garni de céramiques émaillées est surmonté d’une tablette qui porte, devant une glace, une pendule de Marque escorté de deux vases de Metthey.

Léon Rosenthal, « L’art moderne à l’Hôtel de Ville de Paris », L’Humanité, « L’Actualité artistique », 25 octobre 1915, p. 3.