Léon Rosenthal, militant, critique et historien d'art
Les recherches de facture de M. Luce trouvent-elles moins à s’appliquer parce qu’il a pris pour héros des Terrassiers au repos ? L’œuvre ne gagne-t-elle pas dans notre sympathie, de ce qu’elle paraît plus complètement humaine ?
…notre ami Luce expose une série d’œuvres que la guerre lui a inspirées et dont les thèmes lui ont été surtout fournis par les spectacles des gares. Vous n’y trouverez, ni anecdotes ni notations mesquines. L’imagination de Luce s’élève aux ensembles : ce qu’il aperçoit, ce sont des foules, foules des permissionnaires, foules des appelés qui rejoignent, foules des parents, et, dans ces foules, ce ne sont pas les costumes et les attitudes qui le touchent, mais l’âme intime, l’expression collective des groupes dominés par un sentiment unanime et fort. Sentiment grave et morne ; de la guerre, Luce aperçoit, avant tout ou exclusivement, les aspects tragiques et impérieux : la fatalité pèse sur toutes les scènes qu’il décrit : soldats harassés de fatigue qui reposent sur un quai, théories de permissionnaires, cortèges lamentables des émigrants, repos pitoyable des mutilés. Le pinceau lumineux et clair de Luce s’est, lui-même, assourdi pour s’associer avec sa pensée, pensée forte, je le répète, mais que je voudrais moins assombrie.
Léon Rosenthal, « Expositions et discours », L’Humanité, « Notes d’art », 7 novembre 1916, p. 2.